Nos élus sous-estiment souvent le vélo, ce qu’on peut faire avec et le nombre de ceux qui l’utilisent. Si on en croit Alexis Jenni dans « L’art Français de la guerre » (prix Goncourt 2011), nos officiers du Renseignement ont fait une erreur similaire et de grande conséquence lors de la guerre d’Indochine. Extrait (p 420):
« Sur la piste apparut un homme qui poussait un vélo. Derrière lui, des hommes allaient au pas en poussant chacun un vélo. Les vélos ressemblaient aux petits chevaux asiatiques, ventrus et aux pattes courtes. D’énormes sacs pendaient du cadre, dissimulant les roues. Par-dessus en équilibre tenaient des caisses d’armes peintes en vert avec des caractères chinois au pochoir. Des chapelets d’obus de mortier reliés par des cordes de paille descendaient le long de leur flancs. Chaque vélo penchaient, guidé par un homme en pyjama noir qui contrôlait à l’aide d’une canne de bambou ligaturée au guidon. ils avançaient lentement, en file et sans bruit, encadrés de soldat en uniforme brun, casqués de feuilles, leurs fusils en travers de la poitrine, qui inspectaient le ciel. « Des vélos » murmura Moreau. On lui avait parlé du rapport du Renseignement qui calculait les capacités de transport du Viêt-minh. Il ne dispose pas de camions, ni de routes, les animaux de trait sont rares, les éléphants ne sont que dans les forêts du Cambodge; tout est donc porté à dos d’homme. Un coolie porte dix-huit kilos dans la forêt, il doit emporter sa ration, il ne peut rien porter de plus. Le Renseignement calculait l’autonomie des troupes ennemies à partir de chiffres indiscutables. Pas de camions, pas de routes, dix-huit kilos pas plus, et il doit bien porter sa ration. Dans la forêt on ne trouve rien, rien de plus que ce qu’on apporte. Les troupes du Viêt-minh ne peuvent donc se concentrer plus de quelques jours puisqu’elles n’ont rien à manger. Faute de camions, faute de routes, faute de disposer d’autre chose que de petits hommes qui ne portent pas très lourd. On pouvait donc tenir plus longtemps qu’eux, grâce à des camions acheminant par les routes un infinité de boîtes de sardines. Mais là, devant eux, pour le prix d’un vélo Manufrance, acheté à Hanoï, peut-être volé dans un entrepôt d’Haïphong, chaque homme portait seul et sans peine trois cents kilos dans la forêt. »
A méditer, non?
L’image ci-dessous, qui présente la technique décrite dans l’extrait, est tirée du site d’un cyclotouriste parti au Viet-nam.