Critique d’aménagement : la voie verte de la corniche de Suffren (Istres)

Istres traîne une mauvaise réputation parmi les cyclistes du quotidien, notamment locaux. Sa note au baromètre 2021 était un maigre 2,05/6, la dernière voie verte sur trottoir réalisée par la municipalité cumulait un nombre d’erreurs rarement atteint pour sa longueur, pas mieux pour les plus récentes bandes cyclables. Cette fois c’est clairement mieux et la réalisation devrait être rapidement adoptée et, si les quelques erreurs ou manques sont corrigés, ce sera une belle réussite.

Une voie verte (bidirectionnelle) sur trottoir

Les cyclistes du quotidien n’aiment guère en général les voies vertes sur trottoir, qui ne sont souvent que des trottoirs vaguement agrandis et refaits avec un panneau à chaque bout. Les cyclistes soupçonnent alors les élus responsables, en immense majorité indécrottables automobilistes, de chercher à les éjecter de la rue parce qu' »ils gênent » ou parce qu’ils ne réfléchissent que « sécurité » (et responsabilité pénale pour eux) et jamais « environnement ». À Istres, c’est clairement le cas pour la « voie verte » de l’avenue Chave, totalement ignorée des cyclistes locaux.

Les pistes cyclables bidirectionnelles, en ville ou hors des villes, ne se justifient que si elles sont assez longues, car dans un des deux sens, les cyclistes devront traverser le flux de voitures pour y entrer et en sortir, ce qui est toujours délicat.

Ici la voie verte est assez longue (1,2 km), les entrées sont assez sûres, et elle permet, dans le sens nord sud, d’éviter une pente rude où les voitures avaient du mal à nous doubler.

L’analyse en détail dans le sens nord-sud

Ce sens est le plus intéressant car c’était le plus dangereux.

La voie verte débute au fond du parking accessible depuis le rond-point (à une voie) de la route de Saint-Chamas. Son accès est donc assez sûr.

Elle continue en reprenant le chemin qui préexistait, mais qui a été agrandi, notamment au niveau d’un rocher qui a été sérieusement raboté.

Elle arrive ainsi au parking de la Romaniquette, juste au niveau des points d’apport volontaires (PAV) des recyclables. Ce point posera problème, car on y voit l’été des voitures garées qui obligeront les cyclistes à ralentir exagérément. Le reste de l’année, un cycliste pourra y rencontrer une voiture arrêtée le temps de mettre ses recyclables dans le PAV. Les conflits sont possibles et ce point devrait être revu.

Ensuite il s’agit de remonter le parking à contresens des voitures. Ce n’est pas si large et ce n’est pas indiqué au sol, c’est un autre manque.

Après le parking on traverse la voie d’accès à la plage, et on retrouve la voie verte proprement dite. On traverse la zone d’attente d’un arrêt de bus, mais ça devrait bien se passer.
On peut remarquer que les bordures ont été bien surbaissées, il n’y a pas de « marche » (comme il y a par exemple sur celle qui passe au niveau du CEC) qui sont parfois si désagréables que les cyclistes préfèrent rouler avec les voitures pour cette raison. Globalement cette voie verte sera agréable pour les fauteuils roulants, les bébés en poussettes etc… en plus des cyclistes.

Un peu plus loin on arrive au rond-point qui dessert l’école maternelle Jacqueline Auriol et un petit centre commercial. Aucune entrée-sortie de vélo n’est prévue au niveau du rond-point, les cyclistes doivent utiliser le passage piéton situé dix mètres en amont, seul endroit où les barrières de sécurité disparaissent.

Clairement il manque une entrée-sortie vélo au niveau de ce rond-point : un parent qui descendrait du sud pour amener son enfant à l’école Auriol ou aller à la boulangerie devra pousser jusqu’au passage piéton puis revenir en arrière. Il le fera en pestant…

Ensuite on monte vers le lycée Latécoère. C’est l’endroit le plus agréable dans ce sens pour le cycliste qui a vécu cette rude montée avec une voiture qui essaye de le doubler… Sur la voie verte, la pente est plus douce et l’absence de voitures (et la rareté des piétons à part les promenades du chiens) bien appréciable.

On arrive ensuite au lycée Latécoère, au niveau d’un parking. L’entrée est cachée mais les cyclistes locaux la connaîtront vite (la photo ci-dessous est prise dans le sens sud-nord).

La nouvelle réalisation s’arrête là, mais les cyclistes peuvent continuer « sur le trottoir » à travers le parking devant le lycée puis devant la sous-préfecture. Cette partie est logiquement moins belle, mais il suffirait de pas grand chose pour la rendre davantage cyclable.

Contrairement à la partie jusqu’ici décrite, dans cette seconde partie il pourra y avoir des conflits entre les nombreux piétons qui montent ce trottoir de l’avenue des Bolles (vers le lycée ou la sous-préfecture), ce n’est pas un problème dans le sens nord-sud où la pente de la montée fait descendre la vitesse des cyclistes à celle des piétons (les cyclistes en VAE restent en général avec les voitures), mais dans le sens sud-nord certains cyclistes pressés choisiront sans doute de passer sur la chaussée avec les voitures.

(fin de la traversée du parking du lycée Latécoère)
l’accumulation des aiguilles de pins prouve qu’il y a une marche à ce niveau : les cyclistes au vélo sans suspension lèveront leurs fesses…
(traversée de l’entrée de la sous-préfecture)
les voitures bloquées à ce stop et que les cyclistes et piétons doivent contourner ne sont heureusement pas trop fréquentes. La chicane n’est pas si facile à prendre dans le sens de la montée. Est-elle vraiment nécessaire ?
La « sucette » la plus mal placée d’Istres…

Ensuite on récupère la voie verte « CEC-Amaryllis », intégrée à l’itinéraire cyclable « CEC-Ranquet » que nous avions critiqué en 2017, peu après son achèvement.

Nos adhérents istréens auront aussi reconnu sur la gauche de la photo ci-dessus le stade du CEC dont les gradins abritent notre atelier istréen.

Conclusion sur cet aménagement :

Cette « voie cyclable » (qui, nous le supposons, aura rapidement les panneaux qui indiqueront que la ville la considère comme une voie verte) est clairement une belle réalisation. Les points positifs l’emportent largement sur les points négatifs… que la mairie pourra traiter si elle le souhaite.

Points positifsPoints négatifs
– revêtement dur, très roulant
– longueur (1,2 km)
– peu de traversées de voiture
– belle vue (on voit l’étang de Berre sur toute la partie sud)
– accès sécurisés (faciles depuis des ronds-points à 1 voie)
– pas de « marche » (1cm ?)
– règle le « point noir » de la montée dangereuse vers le lycée Latécoère dans le sens sud-nord
– il manque un accès au niveau du rond-point de l’école Jacqueline Auriol
– zone du PAV du parking de la Romaniquette à améliorer
– il manque (chantier pas fini ?) les peintures qui indiquent aux voitures du parking de la Romaniquette que des cyclistes peuvent rouler à contresens

2 réflexions sur “Critique d’aménagement : la voie verte de la corniche de Suffren (Istres)

  1. D’autres « bémols »: Le parking devant les containers ( Points d’Apports Volontaires) n’étant pas suffisants, les voitures sont garées près du rocher raboté et sont donc passés sur la voie verte, dont le revêtement n’est pas étudiée pour un passage de voitures.
    D’autre part, selon les recommandations de l’Ademe, ce type de revêtement est à éviter à tout prix, car peu résistant aux intempéries dans le temps…
    La zone de parking entre les containers PAV et le moulin de Cascaveau est une zone extrêmement dangereuse, les automobilistes très peu respectueux s’en servent de voie de dépassement de la route de la corniche, car elle n’est pas équipée de ralentisseurs. Il faut un marquage au sol et aérien bien visible, plus ralentisseurs, sinon des accidents graves vont avoir lieu à cet endroit.
    C’est effectivement dommage que cette voie ne rejoigne pas celle qui longe l’avenue de Radolphzell derrière le stade. En retirant les pyracanthas, dans la montée vers la sous-préfecture et en supprimant les chicanes le parcours serait plus facile pour un vélo.
    Si le parcours est trop compliqué ou dangereux il ne sera pas utilisé, donc inutile.
    Un parcours cyclable est jugé efficace par le nombre d’utilisateurs qui l’empruntent.

  2. Rien à dire sur l’aspect paysager de cette voie verte : l’agrément de cet équipement est incontestable car il est désormais possible de pédaler en toute sécurité avec des points de vue magnifiques sur l’étang. Cet axe 4 Vents > Rond point de la route de St Chamas est vraiment une réussite.

    Cela étant dit, j’aurais deux remarques à faire sur cet équipement. Pas forcément sur cet équipement en lui-même mais sur le but recherché par les élus de la ville en matière de vélo.

    – Il s’agit bien d’une voie de type « partagée » comme nous savons bien faire en France. C’est à dire partagée entre les piétons et les vélos. Le problème est que ces 2 modes de déplacement sont difficilement compatibles. D’ailleurs aucun des pays où le vélo s’est vraiment développé n’a adopté cette particularité franco-française. En Hollande, Suisse, Allemagne, Autriche… les vélos sont d’un coté… et les piétons de l’autre ! Notre fameux panneau bleu et vert avec un vélo et un piéton n’existe pas ailleurs ! Dans une voie partagée, les piétons qui avancent à 3 km/h sont importunés par les vélos, beaucoup plus rapides. Quand surgit brusquement derrière un promeneur, un vélo lancé à 15 km/h, 20 km/h, voire plus en descente, ce dernier ne peut être que saisi de peur !
    Quand aux cyclistes, ils doivent sans cesse zigzaguer entre les piétons qui peuvent avoir une trajectoire imprévisible avec leurs téléphones, écouteurs, poussettes ou animaux de compagnie. Ils risquent à tout instant l’altercation ou pire l’accrochage dramatique.
    Bref, sur ce type de voie, le piéton se dit « mais qu’est ce qu’il fait là ce foutu vélo ! » et le cycliste « mince, encore un promeneur qui va me freiner dans ma lancée ! »

    -. Pour moi, cette voie est à vocation essentiellement « récréative », c’est à dire uniquement réservé aux loisirs et au tourisme. Comme chacun le sait, le secteur de la ville qui va des 4 vents à la route de Saint Chamas est à vocation d’habitat résidentiel. Aucune entreprise, aucun commerce, aucune administration (si ce n’est le petit centre commercial de la Romaniquette) ne se trouve sur le tracé de cette voie. La plupart des emplois, entreprises et commerces se trouvent dans la zone du Tubé avec la BA125. Le problème est que dans cette ville, aucune piste cyclable ne relie réellement les quartiers où les gens habitent et ceux où les gens travaillent. Cette belle voie verte, superbe image de marque de la ville est totalement inutile pour la plupart des habitants d’Istres qui travaillent toute la semaine au Tubé. Il devront continuer à prendre leur voiture tous les jours pour se rendre à leur travail comme d’habitude. Dommage pour le monde d’après ! A Istres, c’est encore le monde d’avant !

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